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Les bureaux de change résistent à la concurrence : 23 milliards de DH de chiffre d'affaires en 2011

Ils ont vendu 1.2 milliard de DH à la clientèle, le reste ayant été cédé aux banques. Avec 11.8 milliards de DH, Tanger et l'Oriental fournissent la moitié des devises des bureaux de change. 55% des devises sont ensuite revendues à Casablanca et Rabat.

Connus pour pratiquer la plupart du temps des cotations plus intéressantes pour le change manuel, les bureaux de change sont venus rompre le diktat «cours plafond pour la vente et cours plancher pour l’achat» imposé par les banques de la place jusqu’au début de 2007. En effet, grâce à ces bureaux, la clientèle désirant acheter ou vendre des devises trouve dorénavant plus de pouvoir à négocier le cours de change, dans la fourchette imposée par Bank Al-Maghrib. «Nous sommes aujourd’hui en présence de clients avertis qui font déjà le tour des banques, et qui bénéficient de la multitude d’offres de plusieurs points de change pour faire valoir leur pouvoir de négociation. C’est carrément à l’opposé de ce qui se passait avant», explique un propriétaire d’un bureau de change au centre-ville de Casablanca. «Pour fidéliser notre clientèle, tout en travaillant avec des banques qui nous concurrencent en même temps, nous nous trouvons obligés de brader nos cours», confie-t-il. Naturellement, le gain se fait minime avec des cours plus bas. Et ce n’est qu’en ratissant large sur les quantités que les bureaux de change espèrent atteindre leur seuil de rentabilité.


Ainsi, selon l’Office des changes, les 500 bureaux de change de la place ont acheté, en 2011, des devises pour un total de 23 milliards de DH, en hausse de 10% par rapport à 2010. Ils ont vendu 1,2 milliard à la clientèle, et cédé le reliquat aux banques, le tout étant gratifié de leur commissionnement. En parallèle, les autres intervenants habilités à pratiquer le change manuel, à savoir les guichets bancaires et les sous-délégataires (hôtels, agences de voyages, casinos...), ainsi que le marché informel ont vendu pratiquement le même montant à la clientèle (1,2 milliard DH) mais avec des achats de 44,5 milliards DH, en hausse de 8,3%.

La ventilation de ces courants d’affaires par régions démontre aisément que les bureaux de change de Tanger et de l’Oriental continuent d’apporter le gros des devises, devançant de loin ceux des autres villes. En 2011, plus de la moitié des devises achetées par le circuit des bureaux de change provient de ces deux régions qui constituent les points d’entrée des MRE pendant les différentes périodes de vacances. Ce constat se trouve légèrement nuancé pour les autres intervenants du marché, qui puisent l’essentiel de leurs achats auprès de Tanger et Marrakech, en raison de la présence d’un nombre important de sous-délégataires, ces villes ayant une vocation touristique. La ville ocre génère environ 7 milliards de DH de devises dans ce circuit.

Ils peuvent désormais céder les devises directement à BAM

S’agissant des ventes à la clientèle, elles sont surtout réalisées au niveau de Casablanca et Rabat. Ces deux villes participent ainsi à 55% des ventes à la clientèle. «Les ventes sont concentrées sur ces deux villes au vu des missions du personnel des administrations publiques, et des entreprises privées, et de l’arrivée à la capitale économique des voyageurs marocains se rendant à l’étranger de toutes les régions du Royaume», explique le propriétaire d’un bureau de change à Rabat. 

Jusqu’à présent, les cambistes ne sont pas habilités à vendre des devises que dans des cas bien précis. Notamment pour les dotations touristiques, frais des études à l’étranger, et pour les frais de mission du personnel de l’Etat. «Cette donne fait en sorte que nous manquons sérieusement de débouchés pour écouler les devises achetées, et nous accule au pied du mur pour les céder avec des conditions défavorables aux banques commerciales, qui continuent d’imposer leurs impératifs, sachant qu’il s’agit d’une activité accessoire pour elles», confie un membre de l’Association professionnelle des bureaux de change (APBC). A ce titre, cette dernière s’active sur deux fronts : élargir le périmètre d’activité pour qu’il comprenne, en plus des dotations possibles aujourd’hui, d’autres comme celle des soins médicaux, du pèlerinage, et des voyages d’affaires, d’une part, et avoir la possibilité de traiter directement avec Bank Al-Maghrib, en y ouvrant un compte pour chaque bureau de change, pour ainsi échapper à l’obligation de passer par les banques qui grignotent une bonne partie du commissionnement des cambistes, d’autre part. Bien que les autorités de tutelle ne se soient pas montrées enthousiastes pour accéder à la requête de l’APBC quant à l’élargissement de l’activité, surtout dans le contexte de crise en Europe qui menace les principales rentrées de devises (transfert MRE et arrivées touristiques), les efforts de l’association ont fini par payer, puisque les bureaux de change ont désormais la possibilité de vendre les devises auprès de BAM à l’instar de ce que font les banques commerciales, tout en détenant un compte qui récapitule l’ensemble des mouvements en tenant le solde.

Par ailleurs, et à l’image de nombre de secteurs, la concurrence du marché parallèle reste une donne avec laquelle la profession se doit de composer, en dépit des efforts déployés pour contrecarrer les activités de change au noir (voir encadré).

 

Les autorités s'activent pour contrer l'informel :

Selon plusieurs propriétaires de bureaux de change, le volume échangé dans le circuit informel serait bien supérieur à ce que l’on croit. Bien qu’elles manquent de chiffres fiables à ce sujet, les autorités de tutelle, conscientes de l’ampleur du marché informel du change, s’activent pour circonscrire le fléau. Ainsi, l’Inspection de l’Office des Changes effectue des contrôles sur place aussi bien auprès des opérateurs autorisés qu’auprès de personnes réalisant le change manuel de manière illégale. En outre, une stratégie a été élaborée en collaboration avec l’Administration des douanes et impôts indirects pour cerner le réseau parallèle et mener des campagnes de contrôle à l’encontre de personnes exerçant le change manuel sans autorisation de l’Office des changes. A signaler que le contrôle de ces cambistes illégaux relève également de la police judiciaire qui est parfois mieux outillée pour les appréhender.

 

Naoufel Darif. La Vie éco 2013-01-10